Voie du Puy

Mon témoignage du chemin

 

Je suis partie en septembre 2011 du Puy-en-Velay jusqu’à Moissac. Nous étions trois : Didier atteint de Parkinson, Yves notre guide et organisateur et moi déficiente visuelle depuis 19 ans.


Il fallait que je parte, que je me retrouve, que je vive enfin un truc pour moi avec un maximum de liberté et d'autonomie. J'allais découvrir des lieux et des gens, redécouvrir un peu le monde au rythme de mes pas. J'ai plongé dans cette liberté avec délectation, en sécurité et en découverte.


De Didier, compagnon d'Emmaüs, qui avançait de trois pas pour parfois reculer de deux, qui s'obstinait à porter son sac énorme et bordélique qui le déséquilibrait, voire lui faisait faire des tours sur lui-même avant de repartir, qui souvent galopait dans les montées et me baragouinait des onomatopées pour m’encourager, qui était toujours de bonne humeur avec un bon sourire, malgré les balancements incontrôlés de ses jambes. Parfois, il s'y reprenait à plusieurs fois avant de poser un pied. Il savait aussi nous préparer des repas et inviter tous les pèlerins du gîte. Lui, qui avait peur des cimetières et des églises, a fini son chemin dans l’église abbatiale de Moissac près d’une jolie pèlerine…


J'ai découvert un peu aussi Yves, notre guide, qui nous a laissés aller à notre rythme, nous a guidés avec discrétion, savait nous attendre ou nous suivre, même si parfois des ailes me poussaient avec d'autres pèlerins.


Nous avons fait 450 km en trois semaines, sans une blessure et sans une cloque.



Cela fait déjà quatre ans et je repars enfin en septembre 2015, avec Liliane, Sylvie et Jacques, entre Saintes et ...


Mon rêve, créer avec plusieurs d'entre vous, une réflexion et aboutir à un accompagnement pour des personnes qui comme moi et Didier ne peuvent marcher seules et partager avec eux ce plaisir énorme de la marche au long cours, des paysages, de l'effort physique, du silence, de l'espace et des petits bonheurs du chemin.

Elisabeth   (eliguisch@yahoo.fr)


Le Puy en Velay - Saint Jacques de Compostelle

                                           Sur la Meseta, après Burgos
Sur la Meseta, après Burgos

Le Puy en Velay - Saint Jacques de Compostelle : 17 août - 2 novembre 2014

 

J’ai fait un beau chemin... lentement... avec détermination.

Je n’avais pas vu passer les trente dernières années, ni vu s’installer les trente derniers kilos qui me classaient désormais parmi les obèses. Durant toutes ces années, j’avais travaillé, milité, pris des vacances, élevé mes enfants... Et les années se sont envolées à la vitesse de la lumière !

Nos filles sont autonomes, mon mari travaille encore, alors c’est décidé : puisque marcher est la seule activité sportive que j’aime, je vais faire ce chemin, auquel je pense depuis plusieurs années. « Ne rêve pas ta vie, vis ton rêve ».

Et puisque je marche lentement, je vais partir seule, à mon rythme, pour ne pas imposer cette lenteur à un compagnon de route. Du moins vais-je essayer. Je peux toujours arrêter quand bon me semble, je ne suis pas sur un challenge sportif.

Le jour de la retraite est arrivé. Après l’avoir fêtée dignement avec mes amis et ma famille, je suis partie sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, du Puy-en-Velay, le 17 août. Partir seule. Ne pas forcer mon rythme. Suis-je capable de marcher 1.500 km ? Je ne dépasse pas les 3 km/heure (avec les pauses...). De plus, je ronfle, handicap certain sur le chemin, et je ne veux pas gêner mes compagnons de chambrée ...

J’ai fait un calcul : 1 500 km - 15 km par jour - c’est 100 jours de marche.

Après avoir porté mon sac le premier jour, j’ai su que je n’y arriverais pas : quoi faire ? Abandonner? Non, j’ai pris la décision de le faire porter, le temps que mon corps s’habitue à la marche, qu’un peu de graisse se transforme en muscles, que mes pieds guérissent de leurs ampoules (en fait, je n’en ai eu que le premier jour).

J’ai écouté mon corps, je l’ai dorloté (massages, bains de pieds, thalasso, cadeau de mes collègues, repos...) et je n’ai jamais accéléré mon rythme.

Pour les ronflements, j’ai tout d’abord sollicité les hospitaliers, afin qu’ils m’accordent, dans la mesure du possible, un lit « isolé » - ce qu’ils ont fait. Je leur dois un grand merci. Ensuite, je me suis fait fabriquer une « prothèse anti-ronflement » - Eh oui ! Ça existe ! Et désormais, je suis rassurée sur le fait que je ne vais pas trop déranger mes voisins.

Après 500 kilomètres, et une dizaine de kilos en moins (en fait, je les ai perdus durant les cinq premières semaines, ensuite, mon poids est resté stable), j’ai repris mon sac à dos, en le chargeant un peu plus chaque jour, jusqu’à ce que je puisse porter « l’essentiel ». Je n’ai jamais pesé ce sac, mais je n’ai jamais eu mal ni aux épaules, ni au dos.

J’étais fin prête pour la suite du chemin ! Le Gers, le Pays Basque, puis l’Espagne ! Plus de tablette (c’est trop lourd), plus de livres ! Mais désormais, je peux m’arrêter quand je veux, et où je veux. Mais que faire des fins de journée ? Après la douche, la lessive ? Alors, j’ai allongé les étapes ; j’ai parfois marché jusqu’à huit ou neuf heures par jour. En fin de parcours, lors de la descente après « la Cruz de Ferro », j’ai senti que mon genou droit ne supporterait plus ni montées ni descentes abruptes. J’ai donc pris la décision de ne pas monter « O Cebreiro ». En pleurant, en m’énervant contre moi-même ; je me sentais nulle... si près du but. Mais il y a toujours des pèlerins qui sont là pour vous conseiller quand ça va mal. J’ai pris un taxi, et suis allée à l’étape suivante, afin de terminer mon chemin. Après tout, j’avais déjà gravi des sommets plus hauts, je n’avais pas à rougir de ma décision.

Mon périple a duré 78 jours ; du plat (la Meseta en Espagne ...), des montées (Roncevaux...), des descentes (Monistrol, la Cruz de Ferro), des villes très étendues (Burgos, León), des villages pres- que abandonnés, en creux, en hauteur, des cathédrales, des églises, parfois ouvertes, souvent fermées, des gîtes, des albergues, des hôtels, des gestions libres, des demi-pensions... de l’asphalte, des pierres, des chemins boueux, du soleil (beaucoup !)... du vent, un pied après l’autre, lentement, un jour après l’autre... et je suis arrivée à Santiago le 2 novembre, sous une pluie battante. Toutefois rien, pas même cette pluie (qui semblait être là pour me dire qu’il était désormais temps de rentrer), n’a pu effacer le sourire béat plaqué sur mon visage depuis le matin !

Oui, j’ai fait porter mon sac au départ, oui j’ai pris un taxi ou un train parfois, oui j’ai loupé une étape ou deux, oui j’ai craqué plusieurs fois, mais au final, je l’ai fait ce chemin ! Et je suis très fière de mon périple !

Rarement seule sur le Chemin
Rarement seule sur le Chemin

Partir seule ? Marcher plus lentement que les autres ? Oh oui ! Je ne voulais imposer mon rythme à personne, mais en fait, partir seule m’a permis de communiquer davantage : j’avais droit chaque jour aux encouragements, aux sourires amicaux, aux échanges ; certains pèlerins ralentissaient l’allure pour m’accompagner un bout de chemin, faire la causette, puis repartir à leur rythme. J’arrivais plus tard à l’étape, mais j’arrivais ... ! Et je retrouvais tous ces compagnons qui m’avaient doublée, qui m’avaient accompagnée, qui m’avaient fait leurs confidences, et qui n’étaient plus des inconnus. J’ai adoré tous ces échanges ! Sur le chemin, autour d’une bière, d’un desayuno, ou d’un menu peregrino, d’une sangria, mes soirées seules étaient très rares !

J’étais là, à l’écoute, sans jamais porter de jugement, simplement là ; à regarder, écouter, sourire, penser, pleurer, rire, réfléchir. J’ai pu aussi parler de moi, de mes rêves, de mes envies, de mes découragements, partagés avec mes nouveaux amis d’un jour, d’une semaine ...

J’ai été le témoin de débuts d’histoires d’amour dont je ne connaîtrai jamais le dénouement... de gestes généreux... de blessures ahurissantes... d’histoires personnelles bouleversantes... de chan- sons québécoises... de chapelets égrenés discrètement sur le chemin... de cierges allumés... par les croyants... les non croyants... de découragements... de regards pétillants... de facéties à hurler de rire...

J’ai rencontré des Français, des Australiens, des Québécois, des Coréens, des Allemands, des Suisses, des Italiens, des Flamands, des Finlandais... quelle tour de Babel ! Mon espagnol s’arrête à quelques mots, mon anglais est loin d’être au top, mais quelle importance ? Les échanges ne s’arrêtent pas au simple langage parlé, ils vont bien au-delà.

Merci à mon mari d’avoir accepté de me laisser partir seule.

Merci à ma famille, à mes amis, qui m’ont accompagnée durant tout ce chemin ; ils sont tous très fiers de ce que j’ai fait ; ils étaient tous là pour me remonter le moral lorsqu’il était en baisse. Et moi, je suis fière d’avoir été à la hauteur de ce challenge !

Merci surtout aux pèlerins que j’ai rencontrés régulièrement, et qui m’ont énormément soutenue par leur présence, leurs conseils, leurs encouragements, leurs fous-rires, tant d’affinités et de sourires sur mon chemin (Pierre, Eve, Sylvie, Manu, Giovanni, Jérôme, Barbara, Colette, Fanny, Helena, Léon... tant d’autres encore ! pardon de ne pouvoir ici vous nommer tous!)

N’hésitez pas à partir seul ; parce que vous ne serez jamais seul sur le chemin.

N’hésitez pas à marcher à votre rythme, en respectant et en écoutant votre corps ; c’est grâce à lui que vous pourrez aller au bout de votre rêve.

J’ai fait des photos, des mémos, j’ai gardé mes guides ; j’ai perdu 12 kg, et même si je reste en surpoids, je ne suis plus obèse ; mais ce que j’ai de plus précieux, ce sont de magnifiques images, de beaux prénoms associés à une étape, une joie, une douleur, des visages amicaux, de riches échanges avec tant d’êtres si différents, qui resteront gravés dans ma mémoire. A jamais.

Marie-Laure François  le 19 janvier 2015


Le Puy en Velay - Saint Jacques de Compostelle

Montée au Pardon. Ce ne sont pas les éoliennes qui m'attirent..
Montée au Pardon. Ce ne sont pas les éoliennes qui m'attirent..

14 mai – 12 juillet 2012

 

C’était en 1982, maman venait de décéder à l’âge de 68 ans ; côté travail ce n’était pas l’enthousiasme…Je fis un rêve : PARTIR…partir pour tout oublier, partir pour me retrouver avec moi-même, faire le point, partir pour recommencer une nouvelle vie. Saint-Jacques de Compostelle m’attire.

Oui mais…c’est tout ou rien !

Alors ce sera rien car pas question de prendre 2 mois ou plus de congés sans solde, et il me faut trouver quelqu’un pour m’accompagner, car je suis plutôt peureuse maladive, peur de moi-même peut-être ! Alors ce sera quand je serai à la retraite, moi qui disais à qui voulait l’entendre qu’il ne fallait pas attendre pour réaliser ses rêves !

L’heure de la retraite a sonné en 1982…Je dois terminer en 2003 des études entreprises quelques années plus tôt. Saint-Jacques, je recommence à y penser, sauf que, les études terminées, pendant 5 ans je vais accompagner un ami prêtre qui décède fin 2007. Peu à peu l’idée du chemin resurgit... Septembre 2011, ma décision est prise, ce sera en 2012 ou jamais !

J’adhère à l’Association des Amis de Saint-Jacques de la Vienne, et même si je n’ai pu me rendre qu’une seule fois à la permanence, je suis reconnaissante à tous ceux qui se dévouent pour aider les autres à partir d’un bon pied. J’ai apprécié les bons conseils reçus grâce aux ateliers organisés et les encouragements d’amis me connaissant bien.

J’avais prévu de partir le 1er mai, mais pour ne pas manquer un concert qui me tenait à cœur et qui a lieu le 12 mai, je reporte mon départ au lundi 14 mai 2012 du Puy-en-Velay ; cela me rassure, ainsi que ma famille, de savoir que je ne partirai pas vraiment seule, même si j’ai presque toujours marché seule.

Combien, intéressés par mon projet m’avaient promis – ou presque- de m’accompagner, mais se sont désistés. Par ailleurs, beaucoup me conseillaient de partir seule. Je n’avais plus le choix, et par principe j’assume mes choix.

Au jour le jour, j’ai noté signes et rencontres qui ont marqué mon pèlerinage, et j’emploie à dessein le mot de pèlerinage, car pour moi ce chemin fut à la fois chemin de foi et chemin de joie, même dans l’effort, chemin de signes et de rencontres, chemin créateurs de liens, chemin de prière et d’émerveillement devant la beauté de la création, des paysages, des monuments, etc…

Je suis partie avec humilité et courage, prête à arrêter s’il le fallait vraiment, même si ce doit être dans les larmes, car j’avais tellement envie de réaliser enfin mon rêve. Alors il me fallait me donner les moyens d’arriver au terme de la route qui m’attendait.

Tout au long du chemin le chant des Jacquets m’a accompagnée. Les signes n’ont pas manqué, ceux que j’ai vus moi…

Il y eut le 1er jour : J’avais prévu partir tôt le matin, mais lorsque j’ai découvert que la messe des pèlerins n’était qu’à 7 h, j’ai tout de suite compris qu’il me fallait prendre le temps pour partir…Ce n’était pas vraiment moi qui décidais. Qu’elle était belle cette célébration rassemblant des personnes venues des 4 coins de l’horizon et qu’il fut émouvant ce partage avec l’évêque du lieu qui nous donna sa bénédiction. Ils étaient nombreux les pèlerins ce matin-là, et parmi eux Catherine qui a pris le chemin sur un « coup de tête » et qui a prévu marcher en solitaire une dizaine de jours seulement. Quand deux solitaires se rencontrent, on se sent moins seule !

Qu’il est envoûtant ce départ un peu dans la brume qui présage d’une belle journée ensoleillée, et ce fut le cas.

Le pied aussi léger que le sac (merci M. Rousseau) je suis heureuse d’être enfin partie, de découvrir d’autres horizons, de respirer à pleins poumons en traversant des forêts de pins ; heureuse de me sentir libre, détachée et loin de tout, avec pour seul but aujourd’hui, d’arriver au gîte de la 1ère étape. Me voilà arrivée, sans fatigue aucune, mais une petite douleur au niveau de la cheville gauche me dit qu’il me faut écouter mon corps, même si ce n’est pas dans mes habitudes ! Rien à voir avec une tendinite, pas vraiment un mystère…j’accuse mes chaussures, mais il me faudra quelques semaines avant de me rendre compte que c’était la semelle orthopédique qui était la cause de ma douleur. Mais jamais je n’ai eu envie d’arrêter…mes peurs s’étaient évanouies, j’étais tellement bien que j’ai réussi à gérer la douleur.

Le 7ème jour c’est la mise à l’épreuve. Nous sommes quelques-uns à quitter le gîte de Saint-Chély d’Aubrac sous une pluie torrentielle et le tonnerre en prime. Il faut du courage mais je n’en manque pas et je ne me pose pas de question, Saint-Jacques m’appelle. Ce fut sans doute, avec celle de Roncevaux, l’étape la plus difficile. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’il me faudrait marcher, des heures durant sous la pluie, mais surtout dans un torrent d’eau boueuse qui passait largement sur les chaussures, qu’elles soient imperméables ou pas. J’ai marché dans l’eau toute la matinée de ce dimanche, sans rencontrer âme qui vive. Grâce au bâton de pin trouvé 2 jours plus tôt dans la forêt, je pouvais au moins mesurer la profondeur de l’eau avant de m’y enfoncer ! C’est longtemps après que j’ai appris que ce jour-là, beaucoup avaient emprunté la route plutôt que le chemin.

C’est dire si j’ai apprécié la chambre prévue pour 4 où je me suis retrouvée seule dans ce gîte communal d’Espalion où il n’y avait pas foule. Salle de bain « privée », sèche-serviettes, et autorisation de faire suivre mes chaussures dans la chambre m’ont permis de repartir le lendemain avec des chaussures propres et sèches, pas pour longtemps car il pleuvait encore !

Il y eut le 29ème jour. Je suis arrivée à Saint-Jean-Pied-de-Port avant la pluie et je m’en suis réjouie, car c’était plus que de la pluie…C’était une vraie tempête et quelques coups de tonnerre qui ont vidé la ville tout l’après-midi de ses habitants et des pèlerins.

Voilà demain je quitte la France…sous la pluie, dans le vent, le froid et le brouillard. La soi-disant belle étape de Roncevaux m’a plutôt laissé un goût amer car je n’ai guère pu profiter du paysage ; à peine ai-je pu apercevoir quelques troupeaux de moutons blottis les uns contre les autres. Etape éprouvante certes, mais jamais le courage ne m’a manqué ; parfois cependant la peur de me perdre me saisissait.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, tous plus enthousiasmants les uns que les autres..

Il y eut le 60ème jour et l’arrivée à Saint-Jacques sous le soleil. (Le lendemain il pleuvait pour l’arrivée d’Angel,  photo de lui en témoigne !).

Pas d’euphorie, mais une joie immense d’avoir vaincu mes peurs, d’avoir atteint mon objectif ; l’envie de dire MERCI aux amis du ciel et de la terre qui m’ont accompagnée de loin, une certaine tristesse en réalisant que c’est (déjà) fini et qu’il faut reprendre la vie, celle d’avant, mais pas vraiment comme avant, car le chemin m’a appris la patience, l’humilité, la tolérance, l’attention aux autres, la simplicité, la confiance …

Chemin de Rencontres.

Dès le 1er jour, il y eut Catherine, mais le soir même il y avait aussi Johana 1 et Johana 2 (l’allemande et la québecoise), Myriam et Jean-Paul qui ont dû arrêter le 4ème jour car Myriam n’a pas supporté la température qui avoisinait 0°, et Walter, cet Allemand de 72 ans, d’une sagesse immense, qui commençait son chemin alors que sa femme le terminait, car lui avait-elle dit : « Son chemin on le fait seul ! », même s’ils l’avaient déjà fait ensemble en vélo.

La traversée de l’Aubrac s’est faite dans le brouillard…peu de marcheurs dans mon environnement ; les capes de pluie sont de sortie..Je croise un couple, on se salue…et on se retrouve le soir dans le même gîte. « Vous venez d’où ? » et la réponse me surprend tellement que je la fais répéter : de Poitiers, et même qu’ils habitent à quelques centaines de mètres de chez moi. Nous nous sommes revus depuis à Poitiers, car ayant déjà fait le chemin, ils ont abandonné à cause du mauvais temps le parcours qu’ils avaient prévu de faire avec des amis canadiens rencontrés sur le chemin quelques années plus tôt.

Il y eut ce tête-à-tête avec un prêtre en France, je ne sais plus où, au début de mon aventure. Lorsqu’il me demande jusqu’où je prévois aller, je lui réponds spontanément : « Jusqu’à Saint-Jacques, si Dieu veut… », et avec un sourire jusqu’aux oreilles, je l’entends me dire : « Bien sûr qu’Il le veut. »…Alors me voilà rassurée et encore plus déterminée ; il me faut faire confiance.

C’était à La Faba le 5 juillet, merveilleux gîte au creux d’un petit village où l’on se sent bien, même lorsqu’il pleut, là où les vaches étaient peut-être plus nombreuses que les humains. Après m’être présentée à l’hospitalier comme venant de Poitiers, quelle surprise d’entendre un moment après : « Je viens de Poitiers ». J’en croyais à peine mes oreilles et pourtant c’était vrai ; et j’entends même « On se connaît ». En fait c’était François, le violoncelliste que j’avais croisé une seule fois lors de l’Assemblée Générale 2011 des Amis de Saint-Jacques. Douze jours plus tard je le retrouve dans le gîte communal de Muxià avec Bernard son fidèle compagnon.

A La Faba j’ai aussi rencontré une jeune fille venant de la région parisienne accompagnée par une éducatrice. J’ai quitté le gîte avant elles le matin pour entreprendre l’ascension del Cebreiro dans le brouillard, et voilà que le 19 juillet à Fisterra, je croise deux hommes et deux femmes qui m’interpellent parce qu’ils disent me reconnaître. Il m’a fallu un peu de temps pour réaliser que la jeune fille était celle rencontrée à La Faba avec son éducatrice et il y avait aussi Jean-Yves de Béruges, méconnaissable dans sa tenue de randonneur/pèlerin, qui accompagnait un jeune de Châtellerault.

Le 7 juillet à Saria, la pluie est là, Saint-Jacques n’est plus très loin…Je quitte le petit jardin où j’étais si bien pour me mettre à l’abri. Voilà qu’un homme relativement jeune vient à ma rencontre en fauteuil roulant. Oui c’est bien lui, le courageux handicapé venant de Belgique que certains ont croisé à Ponferrada. Il me raconte son histoire, cette maladie orpheline incurable qui le paralyse chaque jour un peu plus. Il me dit la démarche de solidarité qu’ont réalisé pour lui et avec lui une vingtaine d’amis qui se relaient toutes les semaines pour l’accompagner sur le chemin qu’il fait couché sur un tricycle qu’il actionne uniquement avec les bras. Quel témoignage de courage et de volonté !

A plusieurs reprises j’ai retrouvé Pilar et Esther (la croyante et l’athée), deux femmes espagnoles qui marchaient du Puy-en-Velay jusqu’à Saint-Jean-Pied de Port car elles avaient déjà vécu le chemin en Espagne. Nous nous sommes quittées le 11 juin, mais Internet nous permet de rester en relation, ainsi qu’avec Angel, autre Espagnol.

Comment ne pas évoquer Raymond croisé pratiquement chaque jour, depuis Roncevaux, même s’il partait toujours avant moi. , Je le rencontre pour la dernière fois sur le site d’Atapuerca où il est en méditation, et pour cause ! Il me dit s’arrêter à Burgos, car c’est sa ville natale. Je n’ai pas su grand-chose de lui, mais je garde de cet homme d’un certain âge le souvenir de quelqu’un de sage et de discret.

Les rencontres, je ne les ai pas comptabilisées… mais elles sont nombreuses, avec des gens venus des 4 coins de l’horizon, de partout dans le monde : cette femme du Texas, et celle d’Israël…ce chef d’orchestre japonais qui fait le chemin avec sa fille ; ce papa et sa fille venus à pied des Ardennes belges, et tous ces jeunes, à la rencontre de quoi ? de qui ?

Et moi, à la rencontre de moi-même… Oui, car nous n’avons jamais fini de nous connaître, et c’est sur le chemin que j’ai fait, le mien, l’unique…que j’ai pu découvrir des richesses cachées, que j’ai pu entendre des appels, que j’ai pu appréhender un peu mieux la confiance en moi, en l’Autre peut-être…sûrement…

Quelques surprises !

A mon arrivée à Cahors…je m’installe à l’auberge de jeunesse où je partage ma chambre avec une Israélienne, et je découvre que mon unique serviette de toilette n’est plus dans mon sac…Je sais, je n’ai pas voulu réveiller mon jeune voisin de chambre et j’ai rassemblé mes affaires dans le noir. C’est dimanche, magasins fermés, pas de serviette disponible à l’auberge, mais – une première !- les draps pour le lit sont fournis, il ne m’en faut pas plus pour me sécher après la douche, sauf que ce sera plus compliqué par la suite car il me faudra attendre plusieurs jours avant de remplacer – enfin !- ma serviette par une serpillère en micro-fibre !

C’est en Espagne, il pleut, nous sommes 5 ou 6 à nous retrouver, passant devant une ferme isolée…Une femme d’un âge certain est là, à l’entrée de l’écurie ; elle nous présente une assiette de crêpes et nous invite à nous mettre à l’abri pour la dégustation, au cul des vaches…le parfum dégagé n’altère pas la saveur de la petite crêpe…La tentation est grande d’en consommer une 2ème, mais l’obole demandée ne nous y incite pas et nous poursuivons notre chemin.

Mon coup de cœur !

Certes, il y en eut plusieurs, mais le détour fait pour visiter l’église octogonale de Sainte-Marie d’Eunate, l’un des joyaux de l’art roman de la Navarre, quelques kilomètres avant Puente La Reina, me laisse un souvenir inoubliable.

Je ne vous raconterai pas mes nuits blanches – environ une par semaine je pense !-, à cause des ronfleurs et de mon allergie aux boules quiès…et autres perturbateurs nocturnes : échelle qui tombe en pleine nuit, rêveur agité qui cogne sur son voisin…japonais voisin de lit, malade toute la nuit pour n’avoir pas digéré le vin français peut-être bu en excès…

Je ne vous parlerai pas de toutes mes émotions difficiles à exprimer, de ces moments d’extase devant des levers de soleil, des paysages qui invitent à l’admiration et au recueillement, champs de tulipes, genêts en fleurs, vergers d’amandiers et d’oliviers…

Je ne vous dirai rien sur tant de gestes de solidarité et d’amitié dont j’ai été témoin.

Le chemin est fini, mais le voyage de la vie continue…

Eliane Pierre  26 janvier 2013

 


Voie du PUY, de Figeac à Ostabat par la vallée du Célé

19 juin - 9 juillet

 

Voila bien une période calme pour faire cette partie du chemin.Peu de monde dans les hébergements donc pas de nécessité de réserver et la liberté d'aller à son rythme au quotidien.

Un grand bonheur le passage par la variante de la vallée du Célé. C'est un régal de beauté et un contact proche avec une nature forte. La grande gentillesse des habitants des différentes petites villes est un bonheur.

la présence de la rivière très longtemps est une belle compagnie. 

Pour la logistique, il est préférable d'avoir prévu pour le ravitaillement surtout le week-end et lundi.

C'est vraiment magique, n'hésitez pas la Vallée du Célé.

Je suis aussi passé par la Romieu, certains l'évitent c'est dommage surtout que après la Romieu, il y a moins de places intéressantes en art Roman.

Pour la dernière partie, comme je ne suis pas un spécialiste des champs de maïs, c'est surtout la diversité des personnalités des hébergeants qui m'a emballé.

Pour conclure, la voie du Puy, c'est génial, mais il faut bien choisir sa période pour optimiser rencontres et choix.

Elle donne aussi réellement envie de faire les autres voies.

Jean Luc Huguet   01 août 2009